L’idée originelle de ce nouveau support de correspondance cartonné est attribuée au Prussien Von Stephan en 1865 mais c’est l’autrichien Hermann qui lui donna l’élan déterminant en 1870. Après un premier rejet par la France à cause de son absence de discrétion, la carte postale non illustrée est enfin officialisée par la loi de finances de 1872 même si une carte-correspondance de la Croix-Rouge délivrée aux blessés avait déjà circulé à Strasbourg en 1870.
A la fin du XIX ème siècle, le monde entier découvre l’image photographique qui suscite d’emblée l’engouement et en 1881 la carte postale illustrée est créée par la Caisse Nationale d’Epargne. Ainsi apparaît la carte-photographie dont le plus ancien exemplaire connu date de 1881 mais dont la vulgarisation est généralement attribuée au commerçant marseillais Dominique Piazza qui le 04 août 1891 diffuse une série de cartes sur sa ville.
En France, le début du premier âge d’or de la carte postale coïncide avec l’ Exposition Universelle de Paris en 1900 et s’étend de 1900 à 1918 ; ces cartes sont qualifiées d’ “anciennes” par les collectionneurs (“pionnières” avant 1900). Il arrive très souvent de trouver des cartes postales écrites au recto ; le texte recouvrant ainsi l’image. En effet, avant 1904, il est interdit d’écrire du même côté que l’adresse. La séparation du verso, autorisant la coexistence du texte et de l’adresse sur la même face, intervient en 1904. Quant au dos de la carte, il est parfois vert, de type luxueux vers 1901 (papier chiffon) ou de caractère plus médiocre à partir d’environ 1917.
C’est entre 1904 et 1914 que l’édition de cartes est la plus dense et la plus variée touchant tous les genres, de l’ethnographie populaire avec les petits métiers à la topographie avec des vues de villages en passant par les clichés d’atelier, d’événements, de personnages et les cartes-fantaisies, témoins historiques d’une époque révolue.
Mais cet élan enthousiaste de création ne peut résister à la première guerre mondiale et à la censure instaurée en 1914. En effet, jusqu’alors media populaire servant de communication et d’échange, la carte postale devient un instrument de propagande. En même temps, la qualité d’impression et de support diminue avec l’abandon du papier-chiffon au profit du papier-carton tandis que la phototypie aux nuances plus subtiles dans les gris et les ombres est remplacée par l’héliotypie.
La première guerre mondiale marque donc une rupture dans la création et l’usage ; le creux de la vague durera jusqu’en 1975 avec de timides reprises pendant l’entre-deux guerres, le second conflit mondial et le début des années 1950. L’année 1975 est vraiment considérée par les spécialistes comme celle du renouveau et correspond à l’apparition des cartes dites “modernes” (semi-modernes de 1918 à 1975) .
Lesches-en-Diois, pourtant petit village isolé sur un plateau montagneux, a bénéficié malgré tout d’une riche production de cartes postales et ce dès le premier âge d’or avec une reprise après la deuxième guerre puis vers les années 1950-1960-1970 jusqu’à l’arrêt de toute édition vers les années 1980 à l’occasion de la Fête de la Lavande. Hormis les quelques cartes émises pour la fête de la lavande, à Lesches-en-Diois, c’est à l’épicerie de Joséphine Armand et au Café, tenu pendant des années par la famille Armand, que les cartes ont été vendues.
Ces clichés, toutes périodes confondues, sont particulièrement dignes d’intérêt.
Ils permettent de voir l’évolution du paysage avec par exemple le Puy, Pié Plat et Chaitieu dénudés, le type de culture dans les champs mais aussi la présence et la disparition d’arbres. Ils renseignent sur le caractère du village proprement dit rappelant l’existence de telle grange ou de telle remise actuellement réhabilitée en habitation et le sol caillouteux des ruelles avant le goudronnage ainsi que sur l’arrivée du tout- à- l’égout. Grâce à eux aussi, des personnages aujourd’hui disparus sont éternisés dans leur quotidien de même que la présence de moutons renvoie à l’époque où les troupeaux traversaient le village. Enfin, ces clichés ont immortalisé le temple, l’église et son ancien clocher, le monument aux Morts, le bâtiment originel de l’école-mairie, le vieil alambic et le feu d’artifice de la traditionnelle fête de la lavande…
Outre le recto, le verso des cartes postales apporte une mine d’informations sur les mœurs d’une génération, la météo d’une journée ou d’une saison et le rendement des cultures…La correspondance du Poilu avec la famille, parfois poignante, renseigne sur la vie quotidienne, les pensées et les espoirs du soldat tout comme celles de sa famille restée au “pays”. Enfin, ces cartes permettent aussi de découvrir ou de redécouvrir les timbres et les tampons postaux de leur époque et peuvent prendre aussi un caractère historique.
Que les cartes postales glissées dans cet article en soient le témoignage !