Au début du XXème siècle, l’élevage des moutons, des chèvres, des vaches,  des porcs et des petits animaux de basse-cour (pigeons, volailles, lapins…) assurait l’autosuffisance alimentaire des villageois.

Le porc, lui,  donnait du jambon, du lard et différentes sortes de charcuteries qui permettaient, par la salaison, le séchage ou la stérilisation, une alimentation carnée pendant quasiment toute l’année.

Les petits élevages de volailles (poules, pigeons, canards) et de lapins étaient destinés à la consommation familiale régulière de viande et d’œufs. Pour une plus longue conservation, les œufs étaient enfouis dans les céréales remplissant les greniers, à l’abri de la lumière. Une fois par semaine, le coquetier passait dans le village et  achetait aux fermières le surplus, ce qui leur permettait de disposer de petites liquidités pour de modestes achats à l’épicerie du village.

 

Le lait fourni par les quelques vaches élevées dans le village était réservé aux très jeunes enfants.

Yves et les vaches

La plupart des familles possédait un petit troupeau de moutons et / ou quelques chèvres.

Le petit troupeau de moutons

Jusque dans les années 1960, le matin et en fin d’après-midi, les troupeaux, conduits par leur bergère ou leur berger et leur chien, quittaient la bergerie en direction des pâturages. Ils  traversaient alors le village tout en laissant sur leur passage, dans les ruelles ou sur le Charel de petits chapelets de billes noires.

En arrivant sur le plateau, du côté de Luc ou de Beaurières, le regard était  inévitablement attiré par  ces taches blanches mobiles  sur les prés et les coteaux, accompagnées des bergères qui,  tout en surveillant leur cheptel, tricotaient ou bavardaient avec les gardiennes des troupeaux voisins.

Outre sur le plateau lui-même la large partie amont de la face sud du Puy était un lieu privilégié pour l’ élevage durant la période estivale, de juin à septembre. En effet, l’altitude limitait la croissance des bois, offrant ainsi un vaste territoire de pâture dont la végétation était ainsi régulée. Le troupeau était parfois gardé par un berger et son chien, à la demi-journée ou même à la journée mais, le plus souvent, pour ne pas immobiliser une personne bien utile pour une autre tâche, il était conduit jusqu’au col Bertrand (petit plateau aujourd’hui entièrement boisé, au niveau de la barre rocheuse de la Lauze)

Lesches-en-Diois Village et champs

puis laissé libre d’évoluer sans berger dans la pente, du col Maur au col de Maraga et même jusqu’à la crête plus fraîche, tout en restant en principe très groupé.

Les éleveurs surveillaient leur cheptel à la longue-vue ou avec une paire de jumelles mais les accidents étaient relativement rares. La crainte majeure était surtout de déplorer le saut d’ une bête de la falaise suivi ensuite par les autres car, aux heures les plus chaudes, les moutons se rassemblaient vers la crête en une masse uniforme – en terme local « ils chômaient » – blottis les uns contre les autres, se protégeant des prédateurs et surtout des mouches, avec des déplacements permanents des animaux du centre vers la périphérie et vice-versa. L’autre crainte était la rencontre de deux troupeaux et leur inévitable mélange voire aussi le combat violent entre deux béliers avec parfois de graves blessures voire la mort de l’un d’eux. En fin d’après-midi, un membre de la famille de l’éleveur, généralement un adolescent ou un jeune adulte, montait dans la pente avec son chien pour ramener le troupeau à la bergerie, tâche pénible car il se trouvait la plupart du temps à la crête et donc était difficilement repérable ; en outre, parfois, il devait redescendre avec une brebis ou une chèvre blessée sur les épaules. Il fallait se dépêcher pour le rentrer avant la tombée de la nuit et surtout pour le faire boire puisque sur le Puy il n’y a aucune source ; sinon c’était la navette entre la fontaine la plus proche et les bêtes, un seau dans chaque main.

Le nombre de têtes d’un troupeau allait d’une quinzaine à un maximum d’une centaine en fonction de la taille des exploitations. Cet élevage ovin était uniquement destiné  à la production de viande. Les agneaux, élevés avec leur mère,  recevaient un complément en céréales et foins pendant que les brebis étaient aux champs ou à la bergerie en période hivernale. C’étaient essentiellement des Pré alpes dont la viande était réputée pour sa qualité.

Quant aux bergeries, outre celles du village-même, il y en avait aussi sept autres dans la campagne alentour qui servaient à rentrer le troupeau pendant les heures chaudes et parfois durant la nuit plutôt que de le ramener au village. Aujourd’hui, seules trois ont encore un toit mais sont utilisées exclusivement pour  remiser du matériel agricole.

A cette époque-là, des commerçants passaient régulièrement dans le village pour choisir et acheter les animaux qui devaient partir vers les abattoirs de Sisteron, Die, Rémuzat ou Grillon. C’était la première ressource économique pour les familles.

Lors des fêtes familiales ou traditionnelles il était assez fréquent qu’un agneau fût sacrifié pour l’occasion. Le gigot était alors le plat d’honneur et de prestige sur la table de la maîtresse de maison. Pendant et après les deux guerres mondiales la viande d’agneau et de chevreau a représenté l’essentiel de l’alimentation carnée de base des familles possédant un troupeau.

Une fois par an chaque brebis était bien sûr tondue  et la laine, lavée et cardée sur place, servait à confectionner les matelas ; tissée elle était tricotée en chaussettes ou vêtements. Quelques personnes gardent encore en mémoire la scène d’un groupe de femmes autour d’une table en train de confectionner un dessus de lit avec des tissus aux couleurs chatoyantes et de la laine qu’elles avaient cardée elles-mêmes.

L’élevage des chèvres apportait le lait pour la  consommation familiale et surtout pour la fabrication des fromages.

L’hiver elles restaient à la bergerie nourries avec du fourrage mais aussi des fagots des feuilles séchées que  les jeunes hommes avaient rassemblées à l’automne en allant, selon l’expression locale, « faire de la feuille » pour ces demoiselles. A la fin de l’hiver et à Pâques la viande de chevreau était particulièrement appréciée et les chevreaux en surnombre étaient revendus au coquetier.

A partir de la fin des années 1960, la transformation des modes d’élevage va être d’abord marquée par la construction de trois poulaillers « en batteries » pour la production d’œufs. Sur incitation des syndicats agricoles et grâce à des subventions du Ministère de l’Agriculture, cette expérience a cédé très rapidement la place à un programme de constructions de « bergeries modèles ».

Trois familles Armand dont une organisée en GAEC, les familles Buis, Liotard, Miallon, Moulon et Joubert  s’engagent alors dans cette démarche qui a laissé des traces dans l’architecture actuelle du village : murs en préfabriqués, toit en tôles ondulées tranchant singulièrement avec les murs en pierre et les couvertures en tuiles romaines de presque tous les autres bâtiments et maisons du village. Une seule de ces constructions, la plus importante, a été réalisée entièrement en bois. Toujours en place, elle héberge à présent des vaches.

Durant la deuxième moitié du XXème, la taille des troupeaux de brebis a augmenté dans la grande majorité de ces exploitations jusqu’à compter environ trois cents têtes ; seul celui du GAEC des frères André et Georges Armand a dépassé le millier et a pratiqué la transhumance.

Avec l’exode rural, la réduction du nombre des personnes actives et le besoin de main d’œuvre pour les gros travaux agricoles ont conduit les agriculteurs à regrouper leur troupeau pour le gardiennage et c’est ainsi que  Georges Reymond est devenu le berger d’un ensemble de plusieurs troupeaux.

Mais, à la fin du XXème siècle, s’est opéré un changement radical ; en effet, la stagnation du prix de vente de la viande de mouton et l’épidémie de brucellose responsable de l’abattage de la quasi-totalité des animaux ont entraîné la disparition totale de  l’élevage ovin et caprin.

1993 Fin de l'élevage ovin
1993 Fin de l’élevage ovin

Au début du XXIème siècle, les  troupeaux de chèvres et de moutons avaient ainsi complètement disparu du paysage leschois.