L’agriculture aux temps jadis
Aux siècles précédents, Lesches-en-Diois, comme les villages diois voisins, avait pour seules ressources l’agriculture et l’élevage.
Les produits de l’agriculture étaient principalement destinés à la fabrication du pain et à l’alimentation des animaux de la ferme. Chaque famille cultivait aussi un jardin potager pour les légumes.
La culture des céréales, blé, orge et avoine, se pratiquait en alternance avec celles de luzerne et de trèfle ; le seigle et l’épeautre étaient réservés aux terres les plus pauvres.
Jadis, jusqu’au début du XXème siècle, la coupe se faisait à la faucille ou à la faux puis les tiges étaient liées en gerbes qui, dressées les unes contre les autres, séchaient plus facilement sur le champ.
A proximité des bâtiments agricoles les principales fermes du village disposaient d’une aire de battage voire d’un espace plat, parfois clos avec des lauzes comme celui de l’ancienne ferme Aubert, devenue aujourd’hui chambre d’hôtes « La Cupidone » ; c’est d’ailleurs l’un des rares resté en l’état. Ces zones avaient une double vocation, stockage des gerbes de blé ou d’autres céréales et lieu de battage.
Après la moisson et le séchage en plein champ, les gerbes y étaient ainsi transportées sur des charrettes tirées par des chevaux ou des bœufs pour être disposées en « gerbier », sorte de meule semblable aux meules de foin mais sans pilier central.

Ces nombreux empilements de gerbes dorées et odorantes donnaient au village, en cette période estivale, une atmosphère toute particulière avec les odeurs de paille séchée, de froment et les différentes couleurs de jaunes et d’ocres selon la variété des céréales.
Ces endroits très animés par la circulation des charrettes chargées de gerbes et l’intense activité des paysans se transformaient aussi en un lieu d’échanges, de rencontre et de convivialité.
Ils ont bien sûr connu au fil du temps les différents modes de moisson et de battage pour la séparation du grain, de la paille et de l’ivraie appelé localement, « le poussier ».
Jusqu’au début du XXème, vers la mi-août, commençait alors la période de battage.

Les gerbes déliées étaient déposées sur le sol et hommes et femmes munis d’un fléau frappaient longtemps sur ces tas de paille et de grains. La paille était mise sur le côté pour être stockée dans les granges. Le mélange restant, grains et ivraie, était versé dans des sacs de jute pour une séparation ultérieure par ventilation manuelle. A cette pratique s’est progressivement substituée la ventilation mécanique avec l’utilisation d’un van ou tarare appelée localement « ventaïre ».
Le fléau a été ensuite remplacé par le rouleau taillé dans des blocs de pierre, d’ailleurs il s’en retrouve encore dans le village. C’était sur ces aires qu’un cheval attelé à ce rouleau et conduit par son propriétaire, tournait plusieurs heures sur ce tapis de céréales pour séparer la paille du grain.

Les grains de blé et de seigle étaient apportés aux moulins alentour, en particulier à celui de Luc – en – Diois, pour la production de farine utilisée par les fermières pour faire leur pain dans le pétrin familial, cuit ensuite dans leur propre four ou dans le four banal ; les autres céréales étaient destinées essentiellement à la nourriture des animaux. Dans les exploitations les plus importantes les excédents étaient revendus à un commerçant de la région.
Plus tard sont arrivés les moyens mécaniques avec la faucheuse tirée par un ou deux chevaux ou une paire de bœufs. Cette simple machine coupait les céréales laissant sur le sol une longue traînée (andain) que des adultes (généralement des femmes et des grands enfants) transformaient en gerbe qu’ils liaient avec une poignée de tiges.
Pour ceux qui ont connu cette époque l’image de ces personnes, telle Gabrielle coiffée de son grand chapeau de paille s’activant dans les champs avec son grand râteau, est encore forte dans leur mémoire.
A la faucheuse simple a succédé la faucheuse-javeleuse qui tire son nom de la javelle ou gerbe. Cette machine un peu plus complexe était tirée par un attelage de deux chevaux. Un des agriculteurs, assis sur un de deux sièges conduisait l’attelage alors que le second, avec un râteau, couchait les épis sur la lame et regroupait les tiges en javelles prêtes à être liées.
Au milieu du XXème siècle, la mécanisation évolua avec l’arrivée de la « moissonneuse-lieuse » tirée par des chevaux ou une paire de bœufs ; cette machine encore plus performante laissait derrière elle les gerbes liées avec de la ficelle. Il ne restait plus qu’à les redresser pour les faire sécher en attendant de les transporter sur l’aire de battage. Avec la mécanisation et l’arrivée des tracteurs, les chevaux et les bœufs de trait ont disparu du paysage leschois.
A la fin du XXème siècle, la moissonneuse – batteuse remplaça toutes les autres machines en combinant moisson et battage : la machine passe dans le champ et déverse directement les grains dans la remorque d’un camion tandis que sur le sol tombent les bottes de paille prêtes à être acheminées dans les granges.
De nos jours, la plupart des aires de battages sont devenues des placettes ou des zones de parking pour les voitures.
La production importante de foins à partir des prairies naturelles du plateau et des parcelles cultivées en luzerne et en trèfle servait exclusivement à l’alimentation des chevaux et des bœufs de trait durant toute l’année et en hiver à celle des moutons et des chèvres. Seuls quelques agriculteurs dont la production de foins était plus importante, en revendaient une partie à un commerçant local après l’avoir pressée avec une presse manuelle et mise en ballot dans leur grange. Les foins ramassés à la fourche étaient entassés sur la charrette et compressés ensuite par des cordages.
Au début de la deuxième moitié du XXème siècle, les modifications profondes des pratiques agricoles s’expliquent par la diminution de la population et les prémices de la mécanisation.
Les familles d’agriculteurs se répartissent alors en deux groupes : celles avec une descendance directe jeune susceptible d’assurer la pérennité de l’exploitation agricole en la modernisant et les autres sans enfant ne pouvant s’appuyer vraiment sur personne et continuant ainsi le type d’activité agricole du début du siècle avec un troupeau limité à une cinquantaine de têtes.
Les premiers s’orientent vers le modèle « d’entreprises agricoles » beaucoup plus productives avec augmentation des surfaces cultivées et investissements importants dans du matériel agricole, notamment le tracteur et ses équipements spécifiques. La moisson était alors confiée à des entreprises spécialisées utilisant la moissonneuse-batteuse.
C’est ainsi que coexistent, durant une certaine période, des types d’exploitations agricoles bien différents : labour avec des bœufs ou des chevaux qui tiraient aussi les charrettes,

ramassage du fourrage à la fourche, battage sur une aire du village et arrivée des premiers tracteurs et des moissonneuses-batteuses qui précipitèrent définitivement le village dans l’ère moderne de la mécanisation.
Les chevaux de trait ont alors disparu du paysage tout comme les boeufs et au moment de la fenaison et de la moisson les champs se sont couverts de ballots de foin ou de paille.
Quant à la lavande, en cette première moitié du XXème siècle, c’était uniquement de la lavande fine ou « de population » qui était ramassée, la « sauvage » sur la pente sud du Puy et la « cultivée dans les champs des coteaux à l’adret.

