Le Père Froment, Louis de son prénom, mais pour certains c’était “l’Abbé Froment”, “lou cura” pour les patoisants anciens voire familièrement Froment, arriva à Luc-en-Diois un beau jour de 1955 ; il n’eut pas besoin de traverser la France, vicaire à La Motte il lui suffit simplement de passer le col de Prémol.
C’est lui qui, au décès de l’abbé Doublier, prit en charge la paroisse de Lesches-en-Diois à la grande satisfaction des fidèles et tout comme lui il se révéla être un “personnage”.
Alors qu’il aurait pu maintes fois quitter le Diois pour d’autres fonctions, il préféra rester dans ces terres dioises où il se sentait bien et où il avait été bien accueilli. Comment aurait-il pu en être autrement d’ailleurs alors qu’en 1906, il était né dans une famille d’agriculteurs entre Saint-Nazaire-le-Désert et La Motte, à Gumiane plus précisément ?
Il est vrai qu’il inspirait immédiatement la sympathie, sachant manier l’humour, raconter une anecdote ou une blague, mais aussi réconforter dans les moments difficiles par des paroles chaleureuses. Ne trahissant pas l’œcuménisme de l’abbé Doublier, il a toujours eu le souci d’établir des liens étroits et respectueux avec la communauté protestante.
A Lesches, sa traditionnelle homélie en provençal était célèbre et attendue lors de la Fête de la lavande. En réalité son provençal se distinguait du provençal rhodanien classique et puisait surtout dans l’ancien dialecte diois de langue d’Oc (source Louis Froment).
Il venait dans le village au volant de sa fameuse 2 CV grise qu’il garait à proximité de l’entrée de l’église et tout le monde savait ainsi que le Père Froment était là.
Bien sûr, ces dizaines et dizaines d’années de sacerdoce dans cette vallée de la Drôme lui ont permis de connaître plusieurs générations des nombreuses familles dioises, participant à la joie des naissances et des mariages mais aussi à la tristesse et au chagrin des départs qui l’émouvaient profondément.
Chaque été, il organisait une kermesse dans le jardin de la Cure, qui attirait les Lucois et quelques habitants des villages voisins et, de Lesches, ceux qui le pouvaient s’y rendaient tout naturellement.
En dehors de ses obligations pastorales, le Père Froment était un géologue qui savait dénicher les fossiles dont il a réuni une collection de plusieurs milliers d’exemplaires mais aussi un historien qui a écrit des livres sur le Diois, notamment sur le Claps, et dont l’érudition en la matière était connue au-delà des frontières locales. Il avait été quelque temps d’ailleurs professeur de lettres classiques à l’Institution Notre-Dame de Valence.
Le dimanche 25 avril 1993, 1955 étant déjà bien loin, tout le Haut-Diois a tenu à participer à la fête des 60 ans de sacerdoce de son prêtre estimé. Dans l’église de Luc-en-Diois trop petite pour accueillir la foule nombreuse, une messe a été célébrée par Monseigneur Marchand, évêque de Valence, entouré de neuf autres prêtres et de représentants du Conseil de l’Eglise Réformée.
Dans son homélie, le Père Marchand se servit d’ un passage de l’ Évangile sur les disciples d’ Emmaüs pour rappeler que le Seigneur est toujours présent à côté de chacun pour l’aider dans sa vie de chrétien.
Puis vint le temps de l’Offrande qui vit des enfants en procession remonter jusqu’à l’autel et y déposer des symboles chers au cœur du Père Froment tels qu’une photo de l’église de son baptême mais aussi une ammonite géante rappelant sa passion.
Après les remerciements d’usage chargés d’émotion mais non dénués d’humour, tout le monde s’est retrouvé dans la salle des fêtes de la mairie pour le verre de l’amitié avant de continuer les festivités, à Montlaur, dans une ambiance chaleureuse, accueilli par les Sœurs du Saint-Sacrement dans leur maison et leur jardin.
Cinq ans plus tard, ce n’est pas la joie qui réunissait les paroissiens mais la douleur d’avoir perdu, en ce vendredi 27 février 1998, leur cher prêtre qui était resté, dans ce Diois qu’il affectionnait tant, jusqu’à son dernier souffle grâce aux bons soins de Mademoiselle Gaëtane Garagnon, dite “Tatane”.
La veille de ses obsèques, le dimanche soir, une veillée réunissant une centaine d’amis avait été organisée dans l’église de Luc et ce fut bien sûr l’occasion de se remémorer le passage diois de Louis Froment, prêtre humaniste.
Le lendemain pour ses funérailles, l’assistance était nombreuse et, comme pour la commémoration de son anniversaire sacerdotal, Monseigneur Marchand, évêque de Valence, a participé à la cérémonie au cours de laquelle le curé René Juvèneton de la paroisse de Saint-Marcel-en-Diois et le pasteur Maurice Carrez rendirent à Louis Froment un hommage tout particulier.