La fabrication familiale des fromages de chèvres

Le plus souvent, c’est la maîtresse de maison, quelquefois aidée par ses filles, qui s’occupait de la traite des chèvres matin et soir ; une partie du lait étant utilisée pour  la consommation quotidienne et le surplus transformé en fromage.

Les chèvres vers 1946

 

Traire la chèvre

Chaque jour, généralement le soir, la fermière ajoutait au lait cru et filtré quelques gouttes de présure. Ce mélange était conservé au frais toute la nuit pour le faire coaguler (« cailler »).  Au petit matin, elle séparait alors le petit lait  du caillot et suivant le mode de conservation brève ou longue, plusieurs recettes étaient possibles.

Le fromage frais de chèvres 

La solution de séparation la plus simple consistait à déposer le mélange dans un linge blanc, suspendu ensuite au-dessus d’une cuvette pour récupérer le petit lait destiné à l’alimentation des cochons. Après cette filtration, il ne restait dans le linge que la tomme blanche, cet excellent fromage frais  appelé « tomme fraîche ». Suivant le goût de chacun, il pouvait être consommé nature, salé, poivré ou, pour les enfants qui s’en régalaient, sucré. Ce fromage devait être consommé rapidement pour éviter de moisir.

Pour une conservation des fromages sur une longue durée, le lait caillé était versé dans des faisselles, en terre cuite ou en métal, disposées sur un égouttoir en terre cuite. Après un à deux  jours, ce fromage – ” la faisselle “– était démoulé. Il pouvait être consommé nature ou saupoudré de sel pour être conservé plus longtemps.

Le « foujou »

Les excédents journaliers de fromage blanc ou de faisselle non consommés  étaient systématiquement versés dans un grand pot en gré ou en bois (châtaignier, genêvrier…) avec du sel et du poivre et parfois un peu d’alcool (de la gnôle distillée localement). Le mélange devait être remué et brassé quotidiennement pour éviter les moisissures avec la même cuillère en bois ; il fermentait ainsi quelques jours. Ce mode de préparation avait l’avantage d’une conservation longue  permettant ainsi aux familles leschoises d’avoir du fromage même en hiver alors que les chèvres ne donnaient plus de lait. La portion prélevée dans le pot pouvait être remplacée par des morceaux de tomme de chèvre afin de prolonger la consommation.

Le « cachat »

Cette recette, présentée en provençal, langue très utilisée dans les Baronnies et le Diois, a été écrite par Vally Laget, native d’Entrechaux.

Vaqui la recèto dóu cachat  de ma grand Julie que restavo à n’ Entrchaux. Te la mande escricho en francés.

Pour réussir son premier “cachat”, écraser des tommes fraîches de chèvre. Râper des tommes sèches et les ajouter aux précédentes.

Un peu de sel, un peu de poivre, quelques brins de “pebre d’ase” (sarriette vivace) et laisser reposer le tout dans un pot en grès ou en verre dans un endroit frais.

Recueillir le petit lait qui s’égoutte des faisselles puis le faire bouillir ; le passer à travers un linge fin et ajouter la partie épaisse qui reste dans le linge, à la préparation dans le pot.

Ensuite  ajouter au “cachat” les tommes mal prises.

Ne pas oublier de remuer de temps en temps avec une cuillère en bois.

Au bout d’un certain temps le “cachat” tourne au bleu.

Il est prêt pour la dégustation ……avec un bon vin rouge (“avec modération” bien sûr).

Ne jamais laver le pot.

” Ansin fasié ma grand. Soun cachat èro forço goustous et tóuti se n’en cougoustavon”

Le picodon

Une fois égouttée, la faisselle se déshydratait naturellement sans moisir durant un temps plus ou moins long  puis était affinée dans une fromagère, sorte de cage grillagée, qui protégeait les fromages des insectes et tout particulièrement des mouches. Ainsi était obtenu le fameux “picodon”, petit fromage sec et rond encore tant apprécié.

Ces picodons étaient ensuite consommés au fil des besoins familiaux, tout particulièrement pendant la période de gestation et d’élevage des chevreaux alors que les chèvres n’étaient plus traites.

Il existait aussi d’autres recettes  pour conserver et affiner ces fromages secs :

– les enfermer dans un bocal rempli d’huile.

– les conserver dans de la cendre de bois : c’était le picodon cendré dont les goûts pouvaient varier suivant l’origine des cendres.

– les envelopper dans des feuilles de noyer ou de vigne pour améliorer la maturation et la qualité gustative..

Aujourd’hui, ces savoir-faire, cette richesse des produits du terroir, cette méthode familiale ancestrale et régionale de conservation et de fabrication du fromage de chèvres se perpétue dans  «  l’ AOP du picodon de la Drôme et de l’Ardèche » .

En avoir plus sur le Picodon

http://www.picodon-aop.fr/picodon/fabrication.html